Aspects médico-légaux de la dissection des artères cervicales
Lors des dissections d’artères cervicales, le plus difficile pour les experts consiste à distinguer une déchirure spontanée d’une déchirure traumatique de la paroi vasculaire. Nous décrivons des critères cliniques et diagnostiques qui plaident en faveur d’une cause accidentelle au degré de la vraisemblance prépondérante.
Table des matières
Dr Tobias Brandt Chef de team médecine d’assurance Spécialiste FMH en neurologie
Prof. Prof. Stefan Engelter, service de neurologie et de réadaptation neurologique, gériatrie universitaire
FELIXPLATTER, service de neurologie et centre de l’AVC, hôpital universitaire de Bâle
Prof. Peter Marx, service de neurologie à la Charité de Berlin
Introduction
Lors des expertises des dissections cervicales, il est très difficile de distinguer une déchirure vasculaire spontanée (bien plus fréquente) d’une déchirure d’origine mécanique ou traumatique au degré de la vraisemblance prépondérante, c’est-à-dire de cause accidentelle. La corrélation temporelle peut déjà être difficile difficile à établir dans certains cas. Ainsi, les symptômes neurologiques peuvent apparaître pendant ou immédiatement après l’accident, mais il n’est pas rare qu’ils se manifestent avec une latence de quelques heures, voire de quelques jours à quelques semaines [1-3]. D’autre part, on trouve, au moins chez une partie des personnes atteintes d’une dissection spontanée dans les études scientifiques, une possible prédisposition génétique sous la forme de modifications ultrastructurelles héréditaires du tissu conjonctif dermique et des parois vasculaires. Dans des cas isolés, on trouve déjà des indices cliniques de diagnostics confirmés par la génétique moléculaire, tels que le syndrome de Marfan ou d’Ehlers-Danlos [1].
La question de la cause accidentelle se pose plus rarement à l’expert en présence de dissections des artères cervicales suite à des accidents graves, tels que de graves accidents de la route ou des chutes de hauteur importante, qui sont accompagnées d’un traumatisme cranio-cérébral, y compris lésions faciales et cervicales avec fractures des vertèbres cervicales éventuelles. Leur diagnostic apparaît souvent dès la TDM initiale du polytraumatisme. Des difficultés peuvent éventuellement encore survenir en rapport avec les embolies secondaires induisant un AVC qui se produisent ultérieurement.
Mais un traumatisme mineur, tel qu’une légère chute survenue lors de la pratique d’un sport ou un choc à la tête peut-il déclencher une dissection des artères cervicales au degré de la vraisemblance prépondérante? Cette intervention résume les critères cliniques et diagnostiques pouvant dans ce cas permettre d’admettre une vraisemblance prépondérante selon la LAA dans le sens d’un lien de causalité avec l’accident. Nous espérons ainsi fournir des critères en lien avec la cause accidentelle, utiles à l’évaluation et l’expertise des cas concrets.
Confirmation diagnostique d’une dissection cervicale traumatique
Sur le plan de la médecine d’assurance, un diagnostic spécifique au degré de la vraisemblance prépondérante confirmé par des résultats d’imagerie constitue la condition sine qua non de la reconnaissance éventuelle d’une dissection cervicale traumatique. Idéalement, on trouve à cette fin la preuve d’un hématome caractéristique en forme de demi-lune sur la paroi artérielle dans les séquences T1 de suppression de graisse de l’imagerie par résonance magnétique cervicale (à ce sujet, voir aussi les explications plus détaillées dans l’article de Suva Medical «Lésions vasculaires cérébrales dues à un accident») [3, 4]. Il faut savoir qu’une telle preuve basée sur l’hémoglobine ne peut apparaître à l’imagerie que 48 à 72 heures après l’événement accidentel aigu. Toutefois, la preuve d’un hématome de la paroi artérielle est visible immédiatement après l’événement accidentel par angioscanner. Ce procédé permet également de mettre en évidence un épaississement de la paroi ou une occlusion vasculaire typique en forme de flamme dans la région de l’artère carotide interne, à plusieurs centimètres en distal de la bifurcation carotidienne ou une occlusion de l’artère vertébrale au départ ou au segment V3 distal de l’atlas (Figure 1). La localisation de la dissection cervicale traumatique n’est pas fondamentalement différente de celle d’une dissection spontanée (Figure 1) [3, 4]. Dans certains cas, on observe déjà sur la TDM du polytraumatisme des indices d’une occlusion vasculaire aiguë, p. ex. l’absence unilatérale d’une artère vertébrale, ou sur l’échographie duplex sous la forme d’un signal d’occlusion ou de signes d’une perturbation de la circulation distale à l’artère carotide interne ou une artère vertébrale (à ce sujet, voir aussi les explications plus détaillées dans l’article de Suva Medical «Lésions vasculaires cérébrales dues à un accident»).
Des difficultés de diagnostic, qui se répercutent sur l’expertise, peuvent apparaître au niveau de l’imagerie par résonance magnétique lors de distinction entre une occlusion vasculaire aiguë due à du matériel thrombogène et un hématome de paroi induisant une compression vasculaire totale. Dans ce cas, la localisation de l’occlusion vasculaire 2-3 cm en distal de la bifurcation carotidienne peut plaider en faveur d’une dissection et en défaveur d’une genèse athérosclérotique. Il faut éventuellement attendre l’évolution, avec la vraisemblance prépondérante d’une recanalisation vasculaire au cours des 4 premières semaines et la mise en évidence secondaire possible d’un hématome de la paroi vasculaire plus étendu dans la région de l’artère carotide interne distale à l’IRM, comme expliqué précédemment. Pour les hématomes plus marqués de l’artère carotide interne, la preuve peut encore apparaître jusqu’à 12 mois après les événements de dissections aigus.
Toutefois, des difficultés diagnostiques particulières peuvent survenir lors de la distinction entre les artères vertébrales hypoplasiques disséquées sans probabilité de recanalisation éventuelle et une occlusion athérosclérotique potentielle sans lien avec un accident. La localisation de l’occlusion est ici utile lorsqu’elle ne correspond pas à la localisation typique d’une occlusion athérosclérotique, par exemple au départ de l’artère vertébrale ou au segment V3 (Figure 1). Autre argument: les indices cliniques en corrélation, tels que l’apparition aiguë accompagnée de douleurs unilatérales, bien localisées et fortement lancinantes de la nuque [1]. Il faut s’attendre à des difficultés à confirmer le diagnostic d’une dissection des artères irriguant le cerveau dans le contexte d’un accident lorsqu’aucun diagnostic approprié n’a été entrepris peu après l’accident. Dans ce cas, il faut souvent malheureusement se passer des séquences IRM T1 de suppression de graisse des cervicales. Mais, comme expliqué précédemment, ces dernières peuvent encore fournir des indices plusieurs mois, voire jusqu’à 1 an après l’événement accidentel , du moins en vue de confirmer le diagnostic d’un hématome de la paroi carotidienne.
La confirmation directe du diagnostic d’une dissection à l’aide d’une angiographie par soustraction numérique (DSA) est devenue plutôt rare en raison des procédés de mise en évidence cités précédemment, et se limite à des cas dans lesquels une recanalisation vasculaire aiguë interventionnelle est pratiquée à des fins thérapeutiques. À l’angiographie, les signes typiques d’une dissection des artères cervicales sont une occlusion vasculaire pointue en forme de flamme (dite «en flamme de bougie» ou «Rat-Tail Sign») ou un rétrécissement plus étendu («String Sign»), en encore des signes tardifs d’une dissection, tels que la présence d’un pseudo-anévrisme [1].
Autrefois, les dissections des artères cervicales après un traumatisme sévère à la tête, en présence de lésions osseuses, étaient considérées comme plutôt rares, avec un taux de 1 à 2 %. Suite à l’introduction de l’examen par tomographie assistée par ordinateur avec antenne traumatique, il faut toutefois supposer aujourd’hui un taux bien plus élevé d’environ 6 %: Une étude prospective actuelle menée, au moyen d’un angioscanner, chez 230 patients traumatiques gravement blessés consécutifs d’un centre a révélé une incidence de 6,5 % des dissections cervicales, avec une mortalité de 25 % (Figures 2 et 3) [4]. 5,2 % d’entre elles concernaient l’artère carotide interne, dont près de la moitié était accompagnée de symptômes neurologiques, et 1,7 % touchait les artères vertébrales, avec des déficits neurologiques dans 25 % des cas. Seul un sujet a présenté plusieurs dissections. La plupart des sujets étaient des victimes d’accidents de la route polytraumatisées (accident de voiture, de moto ou chute de vélo et piétons renversés) ou de chutes d’une hauteur supérieure à 3 m. Des fractures vertébrales cervicales ont été constatées chez seulement 33 % des personnes présentant une dissection carotidienne, mais chez toutes celles présentant des dissections d’artères vertébrales. L’information essentielle que nous livre cette étude prospective est qu’au moins la moitié des sujets atteints d’une dissection ne présentaient au départ aucun symptôme neurologique, mais étaient exposés à un risque d’AVC ultérieur, ce qui indique la nécessité d’un dépistage par angioscanner. Ce dernier devrait faire partie de l’examen par tomographie assistée par ordinateur avec antenne traumatique, car il est possible de prévenir une embolie artério-artérielle secondaire partant du segment vasculaire lésé à l’aide d’une anticoagulation primaire [4]. Une autre étude monocentrique, mais rétrospective, menée chez 145 patients présentant une dissection visait à tenter d’élaborer des critères diagnostiques d’imagerie permettant de distinguer une dissection traumatique d’une dissection spontanée [5]. Nous estimons cependant que les résultats sont peu pertinents du point de vue de la médecine d’assurance, car dans la catégorie des dissections dites spontanées figurent également celles liées à un traumatisme léger, p. ex. Survenant lors d’activités sportives [5]. Malgré tout, cette étude démontre à nouveau la sensibilité de l’angioscanner pour la détection par imagerie de signes éventuels d’une dissection en association avec des signes cliniques typiques: décollement de l’intima, hématome intramural avec épaississement de la paroi vasculaire et sténose ou occlusion vasculaire [5]. Près de la moitié des patients présentant un traumatisme cervical contondant avaient des fractures de la colonne cervicale et une dissection d’artère vertébrale, le plus souvent en association avec des dissections vasculaires multiples et un décollement de l’intima [5]. Même si, d’après notre expérience, ce dernier est plutôt rarement démontrable, les critères morphologiques d’imagerie cités doivent être considérés comme au moins évocateurs d’une genèse traumatique de la dissection. En revanche, la conclusion inverse n’est pas possible, du point de vue de la médecine d’assurance, comme mentionné précédemment. Ainsi, la reconnaissance générale d’un diagnostic, posé peu après l’accident, d’une dissection traumatique de cause accidentelle au degré de la vraisemblance prépondérante, avec des traumatismes sévères à la tête, n’est pas particulièrement problématique (Figure 4).
Pourquoi les dissections se produisent-elles? Que signifie un contexte accidentel dans l’évaluation?
Différentes étiologies des «extrêmes»
Spontanée («sans événement») avec une «faiblesse de la paroi vasculaire» structurelle et éventuellement une génétique positive vs traumatisme sévère avec facture de la colonne cervicale et dissection d’artère vertébrale
Incidence des dissections traumatiques après un TCC sévère actuellement évaluée à environ 6 %
Déclencheur mécanique
Continuum de mouvements quotidiens de la colonne cervicale – traumatisme mineur – traumatisme sévère avec fracture(s) de la colonne cervicale
Question qui se pose lors de l’expertise
Événement déclencheur adéquat (accident?) vs spontané
Une prédisposition ne constitue pas une exclusion -> vulnérabilité éventuellement accrue
Symptômes de pont (douleur, syndrome de Horner)
Plus leur survenue est proche du moment de l’événement, plus la probabilité est élevée
Conséquences neurologiques (embolies)
Intervalle de quelques heures, jours, voire jusqu’à ¬4 semaines
Figure 3: Localisation
Le sujet particulier d’un déclenchement par une manipulation thérapeutique de la colonne cervicale par une hyperextension brusque, c’est-à-dire soudaine, ou par des manœuvres de rotation cervicales (Figure 5), qui ont également été considérées dans des études cliniques comme une association ou une cause traumatique potentielle [1, 2], ne doit pas être traité dans la présente intervention. En effet, il s’agit là d’une problématique impliquant la responsabilité civile et non l’accident en lui-même. Nous allons nous contenter de traiter la problématique de la chronologie, p. ex. pour savoir si les symptômes d’une dissection d’artère vertébrale spontanée ont mené à une manipulation thérapeutique des cervicales en l’absence éventuelle d’investigation antérieure et d’investigation diagnostique avec aggravation secondaire potentielle, ou bien si la manipulation thérapeutique des cervicales a elle-même provoqué une dissection [6].
Événement traumatique adéquat
Outre l’investigation d’imagerie diagnostique confirmée d’une dissection et le tableau clinique typique comprenant des symptômes locaux et éventuellement des déficits neurologiques, il faut déterminer, pour l’expertise, s’il s’agit d’un traumatisme adéquat. Comme déjà expliqué, les événements traumatiques directs, tels que des coups de couteau dans les cervicales, des coups donnés avec la tranche de la main ou des strangulations ne posent généralement pas problème pour l’identification d’une dissection traumatique, dans la mesure où ils se produisent en corrélation temporelle proche avec les signes cliniques mentionnés précédemment (Figure 4) [6]. Sur le plan biomécanique, les mécanismes plaidant particulièrement en faveur d’une dissection traumatique indirecte sont surtout les mouvements d’accélération brusques de la colonne cervicale, accompagnés d’une hyperrotation et/ou rétroflexion. Ils peuvent éventuellement aussi être associés à une hyperextension cervicale avec une hyperextension particulière de certains segments vasculaires ou l’endommagement supplémentaire potentiel d’un segment osseux comme celui des apophyses transverses cervicales du rachis cervical (Figure 5) [1, 2, 6]. Comme mentionné précédemment, le site d’une dissection traumatique n’est pas fondamentalement différent de celui d’une dissection spontanée sans causalité mécanique documentée. La dissection carotidienne se situe généralement quelques centimètres en distal de la bifurcation carotidienne, jusqu’à la pénétration dans la base du crâne. La dissection d’une artère vertébrale se situe soit sur le segment V2 extracrânien soit dans la région de l’atlas (segment V3) (Figure 1).
Les tassements de la colonne cervicale ou les traumatismes liés à des chocs à la tête sont en revanche plutôt inappropriés comme déclencheurs d’une dissection [6]. Les traumatismes mineurs souvent décrits dans la littérature scientifique, tels que les accidents de sports, qui peuvent être reconnus comme des événements accidentels selon la LAA suisse, sont variés. Les chutes de tout type sont particulièrement révélatrices, les événements de cette nature les plus fréquents étant les accidents de ski, les accidents en montagne ou les accidents de la route, en particulier les chutes de moto ou de vélo avec traumatismes dans la région de la tête/du cou, les accidents de voiture sans ceinture ou dans le cadre du sport automobile, mais aussi les gestes violents provoquant des lésions vasculaires directes [2, 3].
Si le dossier indique un traumatisme de rotation ou d’hyperextension de la colonne cervicale approprié sur le plan biomécanique et à proximité temporelle (c’est-à-dire généralement dans un délai maximum d’un mois) du début d’une dissection vasculaire aiguë de l’artère carotide interne ou des artères vertébrales, alors un lien de causalité est plus vraisemblablement à accepter qu’à réfuter. En vertu du droit suisse, il ne faudrait pas non plus dévier de ces prémisses sans raison particulière lorsqu’il existe une prédisposition biologique, p. ex. une pathologie héréditaire du tissu conjonctif, car celle-ci n’entraîne généralement pas de dissections spontanées et qu’on ne peut, dans ce cas non plus, supposer avec une vraisemblance prépondérante l’insignifiance d’un événement biomécanique en principe approprié [1]. Toutefois, la probabilité d’un lien de causalité proportionnel à la force mécanique avec influence sur la rotation et l’hyper-réclinaison de la colonne cervicale doit être démontrée [2, 3] et donc être considérée au cas par cas. Dans les cas d’accidents de la route, il convient d’envisager le recours à une expertise biomécanique complémentaire afin de mieux évaluer les conséquences mécaniques de l’accident.
Il faut distinguer des événements accidentels biomécaniques atypiques, tels que les chutes, des mouvements quotidiens de la tête, c’est-à-dire non définis comme accidentels, aussi en hyperrotation ou en hyper-réclinaison, comme le fait de regarder soudainement vers l’arrière ou vers le haut sans processus atypique tel qu’une chute. Les mécanismes déclencheurs mécaniques potentiels d’une dissection cervicale ne sont donc en aucun cas synonymes d’une genèse accidentelle [6]. La condition sine qua none à cela est la reconnaissance en tant qu’accident, sur le plan juridico-administratif, d’un événement rapporté et la constatation par la médecine d’assurance que le déclenchement d’une dissection cervicale donnée est dû avec une vraisemblance prépondérante à cet événement accidentel spécifique, qui doit être considéré comme étant la cause «non écartable» ou au moins comme la cause au degré de vraisemblance prépondérante pour la reconnaissance dans le contexte d’un accident. Dans le cas des dissections cervicales traumatiques, cela nécessite une corrélation temporelle immédiate à très proche (max. dans les 24-48 heures), c’est-à-dire immédiatement à quelques heures, entre l’apparition des symptômes de pont mentionnés et l’événement accidentel. Cette corrélation temporelle est particulièrement importante pour la reconnaissance des traumatismes mineurs légers comme les accidents de sport tels que les chutes légères sans fracture.
Lien temporel de la dissection traumatique et des signes d’avertissement cliniques (symptômes de pont)
En association avec des facteurs déclencheurs antérieurs de type mécanique éventuels, le diagnostic confirmé par imagerie d’une dissection cervicale n’est toutefois pas encore synonyme d’une cause traumatique suffisamment avérée pour constituer une preuve. En effet, dans le cas des dissections spontanées (de loin les plus fréquentes), aucun événement déclencheur mécanique particulier n’était identifiable chez une grande proportion de patients (env. 60 %) malgré un questionnaire des plus pertinents [2]. Dans le contexte de la médecine d’assurance, il s’agit bien plus d’évaluer d’abord le lien temporel entre l’événement accidentel potentiellement incriminé et la première présentation de symptômes vraisemblablement spécifiques d’une dissection. La douleur soudaine et bien localisée des parois vasculaires due à l’innervation végétative provoque des douleurs dans la nuque et la tête chez environ trois quarts des patients immédiatement après le traumatisme (Figure 2). La qualité de ces douleurs généralement ipsilatérales est définie comme déchirante à lancinante dans la plupart des cas [1, 6]. Les douleurs vasculaires typiquement unilatérales dans la région de la nuque persistent généralement plusieurs semaines à quelques mois après la dissection. Sur le plan clinique, un syndrome de Horner ipsilatéral, qui est en principe à considérer comme une preuve clinique au degré de vraisemblance prépondérante d’une dissection carotidienne, est évocateur d’une dissection (à ce sujet, voir aussi les explications plus détaillées dans l’article de Suva Medical «Lésions vasculaires cérébrales dues à un accident»). Il faut toutefois noter qu’un syndrome de Horner se produit en particulier dans le cas d’un hématome de paroi excentrique, mais est souvent absent lors d’occlusions vasculaires aiguës dues à une dissection carotidienne [1]. Sont également révélateurs pour le diagnostic clinique, en particulier d’une dissection carotidienne, les déficits singuliers caractéristiques des nerfs crâniens, comme une paralysie périphérique unilatérale de la langue [1]. D’autres déficits neurologiques facultatifs concernent la zone irriguée par l’artère touchée: dans le cas de l’artère carotide interne, un trouble visuel monoculaire (amaurose fugace) ou des signes contralatéraux présents sur une moitié du corps; et dans le cas d’une dissection vertébrale, des troubles de la déglutition ou des vertiges, éventuellement associés à des déficits du tronc cérébral ou du champ visuel.
Des symptômes locaux typiques, comme des douleurs vasculaires souvent pulsatiles, un bourdonnement homolatéral synchronisé sur le pouls, un syndrome de Horner ou aussi des déficits des nerfs crâniens surviennent généralement immédiatement ou quelques heures après un événement traumatique potentiellement déclencheur et doivent être considérés comme des marqueurs temporels d’une lésion vasculaire aiguë au sens d’une déchirure. Cela ne vaut pas pour les déficits neurologiques facultatifs. Ces derniers sont provoqués par des embolies ultérieures ou des facteurs hémodynamiques, en lien avec un rétrécissement vasculaire sténotique provoquant une forte réduction du débit sanguin ou avec une occlusion due à la dissection (Figure 2). Une plus grande latence, de plusieurs heures à quelques jours, plus rarement de quelques semaines, est ici plus fréquente.
Par conséquent: plus la latence entre les symptômes de pont et l’événement traumatique potentiellement adéquat est faible, plus il est probable d’identifier une cause accidentelle, la limite supérieure étant généralement évaluée à 4 semaines [6]. Il peut y avoir des exceptions à cette limite supérieure en tant que règle de procédure dans les cas où il existe, avec une vraisemblance prépondérante, un lien entre un traumatisme vasculaire direct clairement approprié sur le plan biomécanique, tel qu’un coup donné avec la tranche de la main, et une dissection carotidienne ou dans les cas où une douleur vasculaire au sens d’un symptôme de pont est apparue immédiatement ou quelques heures après l’événement, éventuellement en association avec un syndrome de Horner en tant que signe d’une lésion vasculaire localisée [6]. Dans le cadre de l’expertise, de fortes céphalées pulsatiles unilatérales, du même côté qu’une dissection de l’artère carotide interne distale, ou des acouphènes pulsatiles unilatéraux peuvent constituer des signes cliniques caractéristiques d’une dissection vasculaire aiguë au sens de symptômes de pont.
Dans le dossier, il convient donc de toujours examiner les indications données par la personne assurée au cours des «premières heures» après l’événement accidentel: La déclaration d’accident selon la LAA, le cas échéant l’examen réalisé aux urgences peu après l’accident (souvent, les personnes se présentent aux urgences pour des douleurs inédites, fortement «lancinantes» et généralement unilatérales de la nuque, éventuellement syndrome de Horner aigu avec indication de pupille contractée / paupière pendante), éventuellement la fiche de documentation de la première consultation après un traumatisme d'accélération cranio-cervical comportant les symptômes sous une forme bien structurée, et, le cas échéant, les résultats du premier examen neurologique, outre l’ensemble du diagnostic par imagerie.
Adresse de correspondance
Spécialiste FMH en neurologie
PD Dr. Tobias Brandt
Chef de team médecine d'assurance
Suva
Piazza del Sole 6
6501 Bellinzona
Bibliographie
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