Types de blessures après des accidents de vélo électrique et leurs répercussions socio-économiques en Suisse: une étude pilote
Le nombre de vélos électriques sur les routes suisses a augmenté de manière exponentielle ces douze dernières années. Les e-bikes permettent à un vaste groupe d’utilisateurs d’accéder à de nouvelles formes de mobilité sur le chemin du travail et durant les loisirs. Cela dit, la hausse du taux d’accidents parmi les conducteurs d’e-bikes inquiète. La présente étude pilote examine les types de blessures après des accidents avec des e-bikes, compare les conséquences médicales entre les accidents survenus avec des e-bikes et des vélos traditionnels, et décrit les répercussions socio-économiques.
Table des matières
Introduction
L’utilisation d’e-bikes pour le transport et les loisirs est devenue extrêmement populaire en Suisse. Les ventes ont ainsi été multipliées par plus de 20 entre 2006 et 2018 [1]. Cependant, l’impression dominante est que se déplacer avec un e-bike augmente le risque d’accident. Les données médicales sur les accidents d’e-bike proviennent surtout d’études chinoises qui font apparaître un nombre croissant de morts et de blessés [2, 3] et décrivent la gravité et la nature des blessures occasionnées par des accidents avec des e-bikes [4-7]. À notre connaissance, il existe peu de travaux originaux européens [8-10] qui se penchent sur la nature et la gravité des blessures après des accidents d’e-bike. Une étude menée en 2014 avec 23 patients de Suisse analyse à l’aide de données hospitalières les blessures occasionnées par des accidents de vélo électrique [8]. Une autre étude suisse publiée en 2019 se concentre sur la fréquence et la gravité des lésions cranio-cérébrales occasionnées par des accidents de vélo (électrique et traditionnel) [10].
Les dommages pour les personnes assurées, l’ampleur des coûts pour les assureurs et l’importance des conséquences médicales des accidents peuvent être évalués uniquement sur la base de données d’accidents documentés aussi complètes et fiables que possible. La présente étude pilote examine du point de vue des assureurs-accidents suisses les types de blessures typiques chez les conducteurs d’e-bikes accidentés en termes de localisation, de nature et de gravité, ainsi que leurs conséquences économiques, et les compare aux types de blessures typiques occasionnées chez des cyclistes traditionnels et aux conséquences économiques de ces accidents. L’étude doit montrer les tendances et identifier les exigences et les problèmes potentiels à prendre en compte lors de la réalisation d’une étude complète utilisant un échantillon suffisamment important.
Matériel et méthodes
Conception de l’étude
Étude transversale comprenant une partie descriptive (étude partielle 1) et une partie analytique (étude partielle 2).
Nomenclature:
le vélo avec assistance électrique est appelé «e-bike» et ses utilisateurs sont appelés des «conducteurs d’e-bike»; le vélo traditionnel est appelé «vélo» et ses utilisateurs sont appelés des «cyclistes». Ces deux types d’usagers sont appelés des «conducteurs de deux-roues».
a) Description des conséquences médicales d’accidents avec des e-bikes en 2013 (étude partielle 1)
Critères d’inclusion:
la population étudiée englobe tous les accidents d’e-bike déclarés à la Suva en 2013, qui remplissent les critères légaux pour un accident au sens de l’art. 4 LPGA[a] et lors desquels la personne blessée conduisait elle-même l’e-bike au moment de l’accident. Sélection des cas: dans la banque de données d’accidents Suva, les textes des déclarations de sinistres de l’année d’enregistrement ont été parcourus, à la recherche de synonymes de «vélo électrique» ou de combinaisons des mots «vélo» et «électrique», en français, allemand et italien.
[a]LPGA: loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, art. 4
Variables:
ont été évaluées des variables concernant la sociodémographie (sexe, âge), les circonstances de l’accident (accident sans implication de tiers, collision), le port du casque, le moment de l’accident (moment de la journée, saison), ainsi que des facteurs liés aux blessures (nature, localisation et degré de gravité des blessures mesurées par le taux MAIS (Maximum Abbreviated Injury Scale) et l’ISS (Injury Severity Score) [11, 12]), le cadre de traitement (ambulatoire ou stationnaire) et des facteurs économiques (frais de traitement et durée de l’incapacité de travail).
Collecte des données et analyse:
les données des accidents d’e-bike ont été extraites des dossiers des sinistres. Sauf mention contraire, les pourcentages relatifs à la fréquence de certaines variables se rapportent aux personnes incluses dans l’étude partielle 1 (n=98). Les frais de traitement ont été indiqués en tant que coûts totaux et valeur moyenne par cas, et présentés sous forme de moyenne arithmétique («valeur moyenne») et de valeur médiane afin de tenir compte de l’influence de cas moins nombreux mais très fastidieux et coûteux sur la valeur moyenne. Les frais de traitement ont été arrondis à la centaine.
b) Comparaison entre les conséquences médicales des accidents avec des vélos électriques et celles des accidents de vélos traditionnels en 2013 et 2014 (étude partielle 2)
Critères d’inclusion:
sur la base des critères d’inclusion de l’étude partielle 1, la population étudiée a été complétée pour l’étude partielle 2 avec les conducteurs d’e-bikes assurés à la Suva et ayant eu un accident pendant l’année d’enregistrement 2014 (n=128) (n total=226). La population du groupe de comparaison comprenait des personnes ayant eu des accidents avec des vélos traditionnels et provenant des cas d’échantillon représentatifs des années d’enregistrement 2013 et 2014 du SSAA[b].
[b]SSAA: le service de centralisation des statistiques de l’assurance-accidents saisit, sur la base d’un mandat légal, les causes et les conséquences des accidents dans l’assurance-accidents obligatoire selon la LAA.
Collecte des données et analyse:
comme dans l’étude partielle 1, les données relatives aux accidents d’e-bike de la Suva ont été extraites des dossiers des sinistres des personnes assurées et, de façon analogue à l’étude partielle 1, des variables concernant la sociodémographie, les circonstances de l’accident, les facteurs liés aux blessures, le cadre de traitement et les frais de traitement ont été évaluées. Les données sur les accidents de vélo ont été recueillies par les collaborateurs du SSAA dans le cadre des statistiques spéciales[c] [13, 14] et mises à disposition par le SSAA pour l’étude. Pour les deux groupes, la fréquence des différentes variables a été calculée en pourcentage. Sauf mention contraire, les pourcentages de conducteurs d’e-bikes indiqués se rapportent à 226 personnes, et ceux des cyclistes à 1479 personnes. S’agissant des variables catégorielles, la signification statistique a été testée au moyen du test du χ2. Comme il s’agit d’une étude pilote, tant les comparaisons statistiquement significatives que les tendances de signification étaient intéressantes. Les valeurs p inférieures à 0,05 ont été qualifiées de statistiquement significatives, et celles entre 0,05 et 0,1 de tendance. Pour les variables réparties inégalement, la médiane et la portée ont été rapportées, et pour les répartitions presque normales, la moyenne arithmétique avec écart type (SD) ou erreur type (SE).
[c]Statistiques spéciales du SSAA: les statistiques spéciales (p. ex. statistiques médicales) utilisent des données d’un échantillon représentatif de 5 % de tous les accidents reconnus.
Éthique:
la commission d’éthique de la Suisse du Nord-Ouest et de la Suisse centrale a autorisé l’utilisation de données de personnes assurées à la Suva à des fins de recherche (EKNZ 2015-098).
Résultats
a) Accidents d’e-bike en 2013
Sociodémographie, circonstances des accidents, facteurs environnementaux:
pour l’année d’enregistrement 2013, 98 accidents d’e-bike remplissaient les critères d’inclusion. Les personnes accidentées étaient âgées de 45 ans (moyenne, SD +-14), et 64 % étaient des hommes. L’accident d’e-bike typique (84 %) était un accident qui n’impliquait aucun autre usager de la route. La moitié des accidents se sont produits le matin et le soir. La moitié des conducteurs d’e-bikes ont eu des accidents pendant les mois d’été entre juin et septembre. Des informations sur le port du casque n’étaient fournies que pour 16 % des personnes accidentées: dix personnes sur les seize accidentées portaient un casque au moment de l’accident.
Localisation, nature et degré de gravité des blessures:
les blessures les plus fréquentes ont touché les membres supérieurs (50 %), puis les membres inférieurs (40 %) et la tête (29 %). Les blessures se sont manifestées sous forme de lésions superficielles (coupures et contusions; 64 %), de fractures (27 %) et de lésions du système nerveux périphérique et ou central (14 %). Sur les 14 personnes accidentées présentant des lésions du système nerveux, onze présentaient une commotion cérébrale et trois une hémorragie intracrânienne. Le degré de gravité de la plupart des blessures était faible, ce qui s’est traduit par un taux MAIS bas de 1,4 (moyenne, SD ±0,7) et ISS de 3,1 (moyenne, SD ±3,7). Avec 8,0 (moyenne, SD ±5,8), l’ISS était en revanche nettement supérieur chez les 21 conducteurs d’e-bikes hospitalisés. Aucune des personnes accidentées n’est décédée.
Cadre de traitement:
77 % des personnes accidentées ont bénéficié d’un traitement prioritairement ambulatoire, et 19 % d’un traitement prioritairement stationnaire. Quatre personnes accidentées ont déclaré l’accident sans bénéficier de prestations médicales. Parmi les personnes ayant bénéficié d’un traitement prioritairement ambulatoire, deux ont été admises plus tard en soins stationnaires. Un conducteur d’e-bike hospitalisé sur deux était blessé à la tête.
Conséquences économiques:
après un an, les frais de traitement totaux des 98 accidents d’e-bike s’élevaient à 737 600 CHF, soit 7500 CHF (moyenne, SE ± 2750) ou 1400 CHF (médiane, courbe de répartition 0 - 252 500 CHF) par cas. Les frais de traitement les plus élevés ont été occasionnés par les accidents avec blessures à la tête, y compris visage et yeux (fig. 1). La première année suivant l’accident, une incapacité de travail complète de 3,5 jours (médiane) ou 21 jours (moyenne, SD +47 jours) a été attestée. Au total, la durée de l’incapacité de travail oscillait la première année entre 0 jour (accident sans arrêt de travail) et 365 jours.
b) Comparaison entre les accidents d’e-bikes et de vélos
Dans l’étude partielle 2, 226 accidents d’e-bike sont comparés à 1479 accidents de vélo traditionnel survenus pendant les années d’enregistrement 2013 et 2014.
Sociodémographie, circonstances des accidents, facteurs environnementaux:
tandis que globalement, les hommes étaient davantage impliqués dans des accidents (e-bike: 63 %; vélo traditionnel: 80 %), les femmes ont subi près de deux fois plus d’accidents avec des vélos électriques qu’avec des vélos traditionnels (respectivement 37 % et 20 %, p<0,001). L’âge moyen des conducteurs d’e-bikes était de 46 ans, et celui des cyclistes de 39 ans. Les conducteurs d’e-bikes ont eu des accidents le plus souvent la nuit (e-bike: 12 %; vélo traditionnel: 7 %, p=0,02), et les cyclistes principalement l’après-midi (e-bike: 18 %; vélo traditionnel: 24 %, p=0,07). Chez les conducteurs d’e-bikes, les accidents sont survenus tendanciellement plus souvent l’été (de mai à octobre), et les accidents de vélo traditionnel étaient répartis uniformément sur l’année.
Dans les deux groupes, les accidents sans implication de tiers étaient les plus nombreux (e-bike: 77 %; vélo traditionnel: 87 %). En revanche, les conducteurs d’e-bikes étaient deux fois plus impliqués dans des collisions avec des voitures ou des poids lourds que les cyclistes (18 % contre 9 %, p< 0,001). Les conducteurs d’e-bikes ont bénéficié plus de deux fois plus souvent d’un traitement stationnaire (e-bike: 24 %; vélo traditionnel: 11 %, p<0,001), tandis que les cyclistes étaient plus nombreux à déclarer un accident sans traitement (e-bike: 4 %; vélo traditionnel: 9 %, p=0,03).
Localisation et types de blessures chez l’ensemble des personnes accidentées:
dans les deux groupes, les blessures les plus fréquentes concernaient les membres supérieurs (e-bike: 52 %; vélo traditionnel: 55 %), avec davantage de blessures à la main et aux doigts chez les cyclistes (e-bike: 17 %; vélo traditionnel: 24 %, p=0,03). Ensuite venaient les blessures aux membres inférieurs (e-bike: 35 %; vélo traditionnel: 31 %), avec, chez les conducteurs d’e-bikes, deux fois plus de blessures aux genoux (e-bike: 22 %; vélo traditionnel: 12 %; p<0,001) et aux pieds (e-bike: 4 %; vélo traditionnel: 2 %, p=0,09). Les blessures à la tête arrivaient en troisième position dans les deux groupes, les conducteurs d’e-bikes ayant été presque deux fois plus souvent concernés (e-bike: 26 %; vélo traditionnel: 14 %, p<0,001).
Les types de blessures étaient hétérogènes:
les blessures superficielles très fréquentes (coupures, contusions) étaient plus nombreuses chez les conducteurs d’e-bikes (e-bike: 66 %; vélo traditionnel: 55 %, p=0,04). En revanche, les cyclistes ont subi davantage d’entorses et de déchirures des tendons (e-bike: 9 %; vélo traditionnel: 21 %, p<0,001), ainsi que de déboîtements (e-bike: 3 %; vélo traditionnel 6 %, p=0,04). Les lésions du système nerveux central ou périphérique ont été plus fréquentes chez les conducteurs d’e-bikes (e-bike: 12 %; vélo traditionnel: 6 %, p=0,001). Aucune différence n’a été constatée s’agissant des fractures ou des plaies ouvertes.
Hospitalisation de conducteurs d’e-bikes et de cyclistes:
les conducteurs d’e-bikes ont eu deux fois plus de blessures nécessitant une hospitalisation que les cyclistes (24 % contre 11 %, p<0,001), d’où la conclusion que globalement, les conducteurs d’e-bikes accidentés étaient plus fréquemment gravement blessés. Parmi les patients hospitalisés, les blessures les plus fréquemment observées dans les deux groupes étaient des blessures aux membres supérieurs (e-bike: 69 %; vélo traditionnel: 63 %), suivies par des blessures à la tête, qui étaient nettement plus fréquentes chez les conducteurs d’e-bikes (e-bike: 56 %; vélo traditionnel: 34 %, p<0,01), et enfin des blessures aux membres inférieurs (e-bike: 35 %; vélo traditionnel: 26 %), notamment du genou (e-bike: 19 %; vélo traditionnel: 10 %, p=0,07).
Aucune différence n’a été constatée entre les groupes quant à la nature des blessures: les plus fréquentes étaient des fractures (env. 70 %), suivies des blessures superficielles (contusions, coupures, env. 35 %). Le système nerveux était touché dans environ un tiers des cas (e-bike: 37 %; vélo traditionnel: 27 %, p=0,16).
Conséquences économiques:
chez les conducteurs d’e-bikes, les frais de traitement par cas s’élevaient à 7400 CHF (moyenne; IC à 95 %: 4000-10 800) ou 1400 CHF (médiane), soit environ trois fois plus que chez les cyclistes, avec 2300 CHF (moyenne; IC à 95 %: 2000-2600), et/ou 500 CHF (médiane). Avec près de 250 000 CHF chacun, les deux accidents les plus coûteux en termes de traitement ont été enregistrés parmi les accidents d’e-bike. En comparaison, l’accident de vélo traditionnel le plus coûteux a occasionné pour près de 100 000 CHF de frais.
Discussion
L’étude pilote menée sur des données de la Suva et du SSAA des années 2013 et 2014 compare l’âge, le sexe, le type de blessures, le degré de gravité et les coûts des accidents avec des e-bikes et des vélos traditionnels du point de vue des assureurs-accidents suisses. Dans cette étude, les conducteurs d’e-bikes étaient plus âgés que les cyclistes. Bien que, globalement, les accidents aient concerné davantage d’hommes que de femmes, la part des femmes ayant subi un accident parmi les conducteurs d’e-bikes était nettement supérieure que chez les cyclistes. Les conducteurs d’e-bikes étaient beaucoup plus nombreux à être impliqués dans des collisions avec des voitures ou des poids lourds, et à être hospitalisés. Tandis que les blessures aux membres supérieurs et inférieurs étaient à peu près aussi nombreuses chez les conducteurs d’e-bikes que chez les cyclistes, les premiers ont eu nettement plus souvent des blessures à la tête et des lésions du système nerveux que les seconds. Les frais de traitement par cas étaient environ trois fois plus élevés pour les conducteurs d’e-bikes que pour les cyclistes.
Force et limite de l’étude:
étant donné que l’assurance-accidents légale assure la population active, la population étudiée ici est plus jeune que les populations d’études incluant toutes les classes d’âge [15, 16]. L’assurance-accidents légale de la Suisse couvre également l’accident durant les loisirs, ce qui doit être pris en compte dans les comparaisons nationales. À la différence des études s’appuyant sur des données hospitalières qui renseignent sur les accidents nécessitant un traitement ambulatoire dans des services d’urgences ou un traitement stationnaire, les données d’assurance comprennent également les accidents qui ont été traités en ambulatoire par des médecins installés ainsi que les accidents non suivis de traitements. La présente étude rapporte ainsi des données ambulatoires et stationnaires sur les types de blessures et les frais de traitement. À partir des données des assureurs-accidents, il est toutefois impossible de se prononcer sur la prévalence des accidents rapportée au nombre total de conducteurs d’e-bikes et de cyclistes.
Aucune conclusion sur le port du casque n’a pu être tirée, faute d’informations suffisantes.
Localisation des blessures:
dans la présente étude, les conducteurs d’e-bikes accidentés ont été blessés à la tête et dans sa région (26 %), mais surtout aux membres supérieurs ou inférieurs (respectivement 52 % et 35 %). Des modèles similaires ont été retrouvés dans une étude suisse publiée en 2014 et menée sur un petit groupe de patients dont les blessures se situaient principalement à la tête (27 %), aux bras (25 %) et au visage (19 %) [8].
Les études publiées à ce jour et consacrées aux types de blessures occasionnées par des accidents d’e-bike reposent sur des données hospitalières et montrent un risque élevé de blessures à la tête (cerveau, visage et cou compris) [4-10]. En comparaison des cyclistes, les conducteurs d’e-bikes étaient, également dans la présente étude, nettement plus souvent blessés à la tête (cerveau, crâne et visage compris), et présentaient plus de lésions du système nerveux. Une analyse néerlandaise de la Groningen Bicycle Accident Database de 2017 a constaté, chez les conducteurs d’e-bikes, des blessures à la tête plus graves ainsi que des hospitalisations plus fréquentes et plus longues que chez les cyclistes [9]. Une étude suisse basée sur les données d’un centre de traumatologie universitaire a également montré que les conducteurs d’e-bikes étaient plus souvent touchés par des lésions cranio-cérébrales moyennes et graves que les cyclistes, tandis qu’aucune différence significative n’a été observée entre les deux groupes s’agissant de la fréquence des lésions cranio-cérébrales [10]. Par ailleurs, Baschera et al. ont pu observer que les conducteurs d’e-bikes étaient beaucoup plus nombreux que les cyclistes à porter un casque au moment de l’accident [10].
Localisations chez les personnes accidentées ayant des blessures graves:
afin d’identifier les blessures graves, on a utilisé l’ISS et le MAIS chez les conducteurs d’e-bikes en 2013. Ces variables n’étant pas relevées par le SSAA, elles n’étaient pas disponibles pour les cyclistes en 2013 et 2014, et donc pas non plus pour une analyse comparative. Afin d’obtenir toutefois un point de repère pour les blessures graves, l’accent a été mis sur la nécessité d’un traitement stationnaire.
Dans une analyse rétrospective (menée de 2002 à 2010) de 2817 cyclistes gravement blessés (moyenne ISS=24) issus du registre allemand des traumatismes, les blessures se sont produites majoritairement à la tête (72 %) et au thorax (45 %), puis aux membres supérieurs (34 %) et inférieurs (25 %), ainsi qu’au visage (19 %) [17]. Dans la présente étude, les blessures les plus fréquentes qu’ont subies les personnes accidentées hospitalisées (e-bike et vélo traditionnel) ont touché les membres supérieurs (69 % et 63 %), puis la tête, crâne, cerveau et visage compris (56 % et 34 %, p<0,001).
L’étude du registre allemand des traumatismes s’est concentrée sciemment sur les cyclistes gravement blessés [17]. La petite taille de la population de la présente étude n’a malheureusement pas permis d’effectuer une analyse des personnes accidentées présentant une gravité comparable des blessures. Chez les conducteurs de deux-roues accidentés et hospitalisés de cette étude, il faut partir d’un ISS moyen nettement inférieur (cf. l’ISS moyen des conducteurs d’e-bikes hospitalisés en 2013 était de huit). Pour résumer, on s’aperçoit, chez les conducteurs de deux-roues accidentés (e-bike et vélo traditionnel), que le type de blessures change en fonction de la gravité des accidents et que plus les blessures sont graves plus les blessures à la tête prédominent. Une population d’étude plus importante permettrait de déterminer si les différences de types de blessures sont à attribuer à la gravité des blessures (ISS) ou au deux-roues utilisé (e-bike ou vélo traditionnel).
Frais de traitement:
les lésions cranio-cérébrales sont aujourd’hui considérées dans le monde entier comme un problème de santé publique à prendre au sérieux [18, 19]. Partout dans le monde, elles sont responsables d’un nombre de décès et de handicaps croissant, et ont de lourdes conséquences sur les coûts de la santé directs et indirects.
Les accidents avec blessures à la tête ont entraîné des frais de traitement supérieurs à ceux n’occasionnant aucune blessure à la tête. Les blessures combinées touchant le crâne/cerveau, le visage et les yeux ont été les plus coûteuses. Par conséquent, les deux sinistres impliquant des e-bikes ont occasionné les frais de traitement les plus élevés (années d’enregistrement 2013 et 2014) pour des lésions cranio-cérébrales. Les frais de traitement trois fois plus élevés que chez les cyclistes s’expliquent par la fréquence élevée des blessures à la tête et au visage chez les conducteurs d’e-bikes. De plus nombreux cas sont nécessaires pour examiner si les deux graves traumatismes cranio-cérébraux associés à des frais de traitement extrêmement élevés ont faussé le montant des frais de traitement chez les conducteurs d’e-bikes, ou si ces lésions cranio-cérébrales si coûteuses sont effectivement beaucoup plus fréquentes lors d’accidents avec des e-bikes. Cependant, les frais de traitement trois fois plus élevés (1400 CHF vs 500 CHF, médiane) donnent à penser que les accidents d’e-bike génèrent des frais de traitement plus importants.
Lors des accidents d’e-bike survenus pendant l’année d’enregistrement 2013, les blessures ont entraîné une «incapacité totale de travail» médiane de 3,5 jours. Des données correspondantes pour les accidents de vélo traditionnel n’étaient pas disponibles.
Indications pour une étude complémentaire:
les données provenant de Suisse sur la fréquence et la gravité des accidents d’e-bike se basent jusqu’à présent sur des données policières [20]. L’utilisation de paramètres reconnus au niveau international permettant d’estimer la gravité des blessures (comme l’AIS et l’ISS) facilite l’analyse de données d’accidents médicales. Le degré de gravité des blessures médicalement estimé et les types de blessures spécifiques fournissent des informations importantes pour la prévention. Depuis 2013, les accidents d’e-bike sont saisis au SSAA en tant que groupe indépendant, mais les données ne sont pas analysées dans le cadre des statistiques spéciales. En raison de descriptions d’accidents imprécises, les accidents avec des e-bikes ne peuvent pas toujours être identifiés comme tels ni distingués des accidents de vélo habituels. On part d’un nombre considérable de cas non déclarés. À moyen terme, des conclusions sur les types et les degrés de gravité des blessures des accidents d’e-bike devraient être possibles sur une base de données SSAA améliorée, afin de répondre à des questions importantes sur le risque d’accident et de blessures des conducteurs d’e-bikes et de contribuer ainsi à la sécurité de ces personnes.
Abréviations
LPGA |
Loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales |
IC |
Intervalle de confiance |
ISS |
Injury Severity Score. Le score s’étend de 1 (très faible) à 75 maximum (très lourd). |
MAIS |
Maximum Abbreviated Injury Scale. Le taux MAIS d’une personne accidentée s’étend de 1 (léger) à 6 (très lourd). |
OR |
Odds Ratio |
SD |
Écart type (standard deviation) |
SE |
Erreur type (standard error) |
SSAA |
Service de centralisation des statistiques de l’assurance-accidents SSAA |
Adresse de correspondance
Dr. med. Salima Bode
Fachärztin für Neurochirurgie
Suva
Lagerhausstrasse 17
8400 Winterthur
2 Stefan Scholz: Data Scientist Abteilung Versicherungstechnik Suva
3 Elisabeth Zemp: Professor em., Leitung Studiengang MAS Versicherungsmedizin, Swiss TPH
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Le présent article est basé sur un mémoire de master réalisé dans le cadre du cursus de master postgrade en médecine des assurances à l’Université de Bâle.
Bode Salima. Étude de la fréquence des accidents de vélo électrique, des types de blessures et de leurs répercussions socio-économiques en Suisse: une évaluation des accidents de vélo électrique survenus en 2013 et 2014 à l’aide de données de la Suva et du service de centralisation des statistiques de l’assurance-accidents SSAA. Mémoire de master dans le cadre du cursus postgrade en médecine des assurances de l’Université de Bâle. 30.9.2017
Remerciements: je remercie Madame la Prof. Dr Regina Kunz pour ses remarques constructives sur la structure et la conception du présent article.